Revirement de jurisprudence : les parents séparés sont tous deux responsables civilement des faits commis par leur enfant mineur -  Cass. ass. plén., 28 juin 2024, n° 22-84.760

Les parents, lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale, sont solidairement responsables des faits de leur enfant mineur et ce même si la résidence principale de leur enfant est fixée chez l’un des deux parents. C’est ce qu’a jugé l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 28 juin 2024.

L’article 1242, alinéa 4, du Code civil dispose que « Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

Le texte ne vise que le cas des enfants vivant avec leurs parents.

Qu’en est-il lorsque les parents sont séparés ?

Jusqu’alors, la jurisprudence imposait la réunion de deux conditions afin que le parent soit reconnu comme responsable des faits de son enfant mineur :

-       exercer l’autorité parentale à l’égard de son enfant,

-       et vivre avec l’enfant.

Si ces deux conditions n’étaient pas réunies, seul le parent vivant avec l’enfant était responsable civilement, et par conséquent financièrement, des conséquences des dommages et actes commis par son enfant mineur, et ce même si l’autorité parentale était exercée de manière conjointe.

En l’espèce, la Cour de cassation a opéré un changement de jurisprudence souhaitable et plus adapté à la réalité des ménages.

Dans cette affaire, le Tribunal pour Enfants avait reconnu un mineur coupable de dix-sept incendies survenus entre le 29 juin et le 12 septembre 2017, et déclaré ses deux parents civilement responsables des actions de leur enfant mineur.

Pourtant, la résidence principale du mineur était fixée chez sa mère.

La Cour d’appel avait alors infirmé le jugement du Tribunal pour Enfants et déclaré la mère comme seule responsable.

Un pourvoi en cassation avait été formé afin de voir le père déclaré comme solidairement responsable des faits de son enfant.

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, par son arrêt du 28 juin 2024, a établi une nouvelle interprétation de l’article 1242, alinéa 4, du Code civil, et décidé que dès lors que les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale, ils sont tous les deux civilement responsables des dommages causés par leur enfant mineur.

Cette nouvelle solution permet un rééquilibrage entre les deux parents, contre lesquels la victime pourra obtenir réparation de son préjudice, lui offrant ainsi deux débiteurs potentiels et donc deux fois plus de chances d’être indemnisée.

Mais surtout, cela permet de rétablir l’essence même du texte qui a créé une responsabilité de plein droit des parents des faits de leur enfant mineur.

La Cour de cassation donne une nouvelle interprétation de la condition de cohabitation et énonce que celle-ci est désormais acquise dès lors qu’elle est la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale.

Désormais, les deux parents, lorsqu'ils exercent conjointement cette autorité parentale, sont solidairement responsables des dommages causés par leur enfant mineur sans considération aucune pour le lieu de résidence habituelle de l’enfant.