jeudi 21 mars 2024
Une preuve déloyale ou illicite est admise selon certaines conditions
Cass. soc., 17 janv. 2024, n° 22-17.474 B
Dans un arrêt du 17 janvier 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation fait une première application de la nouvelle jurisprudence relative à la recevabilité d’une preuve déloyale dans un procès civil. Elle approuve ainsi une cour d’appel d’avoir écarté un enregistrement clandestin qui n’était pas indispensable au soutien des demandes présentées.
Depuis un arrêt rendu le 22 décembre dernier par l’assemblée plénière de la Cour de cassation, une preuve illicite ou obtenue de manière déloyale n’est plus nécessairement écartée des débats dans un procès civil. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence. En effet, le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. ass. plén., 22 déc. 2023, n° 20-20.648).
C’est cette jurisprudence que la chambre sociale de la Cour de cassation met en œuvre dans l’arrêt du 17 janvier.
En l’espèce, un salarié demandait la résiliation de son contrat de travail en invoquant un harcèlement moral de la part de son employeur, et produisait à ce titre la retranscription de son entretien avec les membres du CHSCT, qu’il avait enregistré à leur insu.
Cette retranscription obtenue de manière déloyale est jugée irrecevable par la cour d’appel. Celle-ci estime, en effet, que la production de l'enregistrement clandestin des membres du CHSCT n'était pas indispensable au soutien des demandes du salarié puisque :
d’une part, le médecin du travail et l'inspecteur du travail avaient été associés à l'enquête menée par le CHSCT et étaient présents lors du constat établi par le CHSCT dans son rapport d'enquête ;
d’autre part, les autres éléments de preuve produits par le salarié laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral.
La Cour de cassation approuve cette analyse et retient une appréciation stricte du caractère indispensable de la production d’une preuve déloyale.
Ainsi, dès lors, une preuve déloyale est désormais possible, mais uniquement à condition qu’il soit impossible de rapporter cette preuve par d’autres moyens.